"Le Compas Céleste" - Les Tours de Saint-Laurent en 1957 - Photo de Robert Doisneau

“Les Tours de Saint-Laurent subsistent d’un château médiéval aux fondations romaines. Jean Lurçat les découvrit en 1944,
alors qu’elles abritaient le siège d’une radio clandestine d’où il s’exprimait pour la Résistance. Tombé amoureux des lieux, il les acheta l’année suivante
et y résida jusqu’à la fin de sa vie. Il y réalisa ses plus belles tapisseries, comme la série du “Chant du Monde” - son ode à la vie - débutée en 1957.

La même année, Saint-Céré vécut ses 2° Rencontres Internationales de la Jeunesse, sous l'égide de l’UNESCO, qui réunirent dix années de suite, dans la fraternité, des jeunes venus pour un mois d’une soixantaine de pays différents. Robert Doisneau, familier des lieux depuis 1946, photographia le “Compas Céleste” depuis la fenêtre de sa chambre au Casino de Saint-Céré. Cette photo, prise en avril 1957, fixe grâce à un long temps de pose la course des étoiles au dessus des Tours de Saint-Laurent. Puisse la mémoire de ces lieux et évènements continuer à rayonner en cette aube de troisième millénaire.

 

FRATERNITÉ MONDIALE

 

LES RENCONTRES
INTERNATIONALES DE SAINT-CÉRÉ

 

“Que la couleur de la peau soit noire, jaune ou blanche,
qu’il se réclame de Dieu, de Mahomet ou de Bouddha,
l’homme au contact de l’homme, s’aperçoit
que les préjugés raciaux ou religieux ne résistent pas
aux élans du coeur engendrés par l’amitié.”

 

 

Quand Saint-Céré accueillait les jeunes du monde

 

Cela s'est passé entre les années 1956 et 1968 : Les Rencontres Internationales Universitaires de Saint-Céré, sous l’égide de l’UNESCO et des Amis de la République française, accueillaient chaque mois de juillet dans la “petite Venise” une soixantaine de jeunes de tous pays, réunis pour partager le plus formidable appel à l’amitié et la fraternité mondiale que l'on ne puisse rêver.

 

Les habitants de Saint-Céré qui ont vécu les épisodes extraordinaires de ce “mois de l’amitié” ont certainement encore en mémoire la formidable énergie née de la rencontre de ces jeunes de toutes origines, réunis dans leur petite ville. Les jeunes nouaient des contacts étroits avec la population et notre tradition de fraternité et de convivialité héritée des troubadours a pu jouer à plein. Nombreux sont ceux qui ont ouvert grand leur porte pour inviter l’un ou l’autre de ces ambassadeurs de la Paix à partager un repas avec eux.

 

Le Club UNESCO de Saint-Céré

A l’origine, M. Lange, créateur de l’association “les Amis de la République française”, M. Dillot, directeur de cette association, et M. Rochette, alors inspecteur d’académie, furent les promoteurs de ces rencontres, vite rejoints par M. Bacconnier, principal au Lycée de Saint-Céré et sa femme (elle est maintenant trésorière nationale des Clubs UNESCO).

L’UNESCO travaille pour la paix par la formation humaine et culturelle en apprenant aux hommes à mieux se connaître et à mieux s’apprécier.

Le Club UNESCO de Saint-Céré fût créé en 1957, et son siège social était le Casino Galerie d’Art de M. Cassagnade et M. et Mme Delbos.

“Nous voulons créer à Saint-Céré un groupe suceptible de nous apporter des enrichissements culturels de tous ordres, des expositions, des conférences, des films, des discussions. Mais l’intérêt, le fond de notre Club, doit résider dans l’action que nous voulons mener pour la compréhension entre les différents peuples. Cela rejoint notre désir de créer un Club aussi large que possible, car il est inutile de parler de compréhension internationale si l’on n’est pas en mesure de réaliser chez soi cette unité, et de comprendre son voisin”. disait M. Bacconnier à l’inauguration du Club.


Les jeunes universitaires

Ces jeunes étaient des universitaires qui représentaient, en quelque sorte, l’élite de leur pays. Etudiants en droit économique, droit social, législatif, scientifiques, certains sont maintenant ministres, ambassadeurs, ont des postes important dans leur pays.

Les rencontres ont développé une influence difficilement quantifiable et imaginable. Point de jonction entre toutes les utopies (au sens le plus noble du terme), ce mois de l’amitié a en effet marqué profondément les âmes de tous ces jeunes venus d’une soixantaine de pays différents pour partager une idée chère à plus d’un : se retrouver avec ses différences au sein d’une communauté de cultures, de races et de religions différentes, pour œuvrer au rapprochement des peuples.


L
e Casino de Saint-Céré

Le Casino était le lieu de toutes les rencontres. Les jeunes s’y retrouvaient le soir pour danser et brûler l’énergie de leur jeunesse. Il faut dire que le Casino n’arrêtait pas pour autant ses nombreuses activités : la Galerie d’Art ouvrait la journée, et le soir, les galas accueillaient en représentation quelques uns des artistes prestigieux qui ont fait son renom. Le premier d’entre eux, Pierre Delbos, était infatigable avec son accordéon et ne pouvait se lasser, jusqu’à des heures indues, à faire danser la jeunesse du monde.

 

 


Les soirées folkloriques

Les rencontres se clotûraient par un spectacle monté et réalisé par les jeunes pour représenter la culture de leur pays, et pour faire briller l’entente et le métissage entre leurs cultures respectives. Spectacle folklorique des cinq continents. Ainsi a t’on pu voir chanter ensemble une jeune iranienne et une israélienne...

On pouvait lire dans la Dépêche du Midi datée du 13 mai 1957 : “Ces soirées de l’amitié, véritables symboles de fraternité humaine, prouvent qu’un même cœur bât dans toutes les poitrines, sur toute la surface de la planète. Que la couleur de la peau soit noire, jaune ou blanche, qu’il se réclame de Dieu, de Mahomet ou de Bouddha, l’homme au contact de l’homme, s’aperçoit que les préjugés raciaux ou religieux ne résistent pas aux élans du cœur engendrés par l’amitié.”


Une aventure humaine

Les Rencontres universitaires participaient à un élan humaniste exceptionnel. De nos jours, un tel mois de l’amitié qui réunirait autant de participants de tous pays semblerait utopique. Pourtant cela s’est réellement passé, ici à Saint-Céré, il y a 40 ans... Puisse cette expérience rester dans les mémoires, et servir d’exemple à tous, en ces temps ou l’intolérance aurait tendance à rétrécir les esprits.

 

Michel Lablanquie,
article paru dans Collines & Vallées n° 4, juillet 1998

Remerciements à Pierre et Andrée Delbos au Casino de Saint-Céré

 


POINTS DE REPÈRES

 

l’UNESCO :

Organisation des Nations-Unies pour l’Education, la Science et la Culture.

Les Clubs UNESCO visent à "participer au maintien de la paix et de la sécurité en resserant, par l’éducation, la science et la culture, la collaboration entre nations, afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion”.

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le Club UNESCO de Saint-Céré

Composition du bureau en 1957 :

Président d’honneur : Jean Lurçat
Président : Raoul Bacconnier
Vice-président : André Bournet
Secrétaire : Pierre Delbos
Secrétaire adjoint : Samuel Scheer
Trésorier : Pierre Miramon

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Les jeunes venaient de tous les pays

• Allemagne • Argentine • Australie • Autriche • Belgique • Bolivie • Brésil • Bulgarie • Cambodge • Canada • Ceylan • Chine • Corée • Cuba • Danemark • Equateur • Espagne • USA • Ethiopie • Finlande • Grande-Bretagne • Grèce • Haïti • Haute Volta • Inde • Indonésie • Iran • Irlande • Israël • Italie • Japon • Laos • Liban • Libéria • Luxembourg • Maroc • Mexique • Nicaragua • Norvège • Pakistan • Pays Bas • Pérou • Philippines • Pologne • Portugal • Soudan • Suisse • Tchécoslovaquie • Thailande • Turquie • Afrique du Sud • URSS • Vénézuela • Viet-Nam • Yougoslavie • etc •

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Le livre d’or

Les jeunes, à l’issue des Rencontres de 1957, offrirent à Pierre et Andrée Delbos un livre d’or paraphé par nombre d’entre eux et préfacé par les initiateurs M. Rochette, Dillot et Bacconnier. Ce livre a par la suite été honoré d’un nombre impressionant de signatures : les personnalités du monde de la chanson qui sont venus faire un gala au Casino (Barbara, Jacques Brel, Georges Brassens, Thierry le Lurron, Jacques Martin, Dalida, Jacques Dutronc), les artistes qui y ont exposé (Robert Doisneau, Jean-Jacques Sempé) y expriment leur amitié aux époux Delbos et à la chaleur de leur accueil. Ce livre d'or laisse le témoignage d'une aventure incroyable, quand Saint-Céré accueillait le monde en son sein.

 

suite :

LES RETROUVAILLES

Vous pouvez écouter l'enregistrement des retrouvailles de quelques anciens des Rencontres Internationales, qui ont eu lieu le 23 septembre 2000 au Casino de Saint-Céré


article de Collines & Vallées n° 14, novembre 2000

 



Le petit monde des Rencontres Internationales, réuni le 23 septembre 2000
(Saint-Céré, Hötel de France - photo Michel Lablanquie)

De gauche à droite : M. Benguigui (Fr), M. et Mme Pascal (Fr), Raoul Bacconnier (Fr), Saad Khiari (Algérie),
Rita Lankin (Birmanie), Michèle Mamoul (Fr), Colette Bacconnier (Fr), Malik Tall (Mali), Consuelo Bonfil (Mexique),
Mme Vidal (Fr), Kingsley Seevaratnam et sa fille (Sri-Lanka).

 

 

Extraits du livre de Robert Lange

 



De la lecture des innombrables récits contenus dans les lettres ou les articles écrits par ceux qui ont été conviés à découvrir la France et à se pencher sur les grands problèmes internationaux, ressort une impression dominante : ils se sont affrontés, mais ils ont beaucoup appris, ils ont puisé, dans leurs échanges de vues, un sens nouveau de leurs responsabilités, une confiance nouvelle dans l'avenir.

Une Italienne (1) venue de Trieste décrit l'évolution dont elle a été le témoin :

« ...Je dois avouer qu'au début il y avait des gens qui n'avaient pas l'air tout à fait à l'aise ensemble. Je peux apporter l'exemple d'une expérience qui m'est arrivée à moi-même. Dans notre groupe, il y avait un Ethiopien qui, au début, me parlait avec un peu de rancune, en disant que les Italiens avaient fait beaucoup de mal à son pays. Et, même quand il ne me le disait pas, il semblait avoir toujours cette phrase sur les lèvres. Au contraire, après quelques jours, on est devenus de grands amis. Nous étions toujours ensemble, comme si nous étions nés sous le même toit. Je suis sûre que dorénavant il n'adressera plus jamais à un Italien ce regard un peu farouche... Durant les derniers jours de notre Mois de l'Amitié, on n'était plus blancs, noirs ou jaunes, Français, Cambodgiens ou Américains, on constituait une seule famille, et cette phrase synthétise ce que je pense et démontre que les Mois de l'Amitié contribuent, d'une façon étonnante, à l'amorce d'une amitié mondiale des jeunes... »

L'importance que revêtait la mise en présence de ceux qui occuperont demain, dans des pays fort différents, des positions de responsabilité, c'est un Pakistanais (2) qui la définit en ces termes : « ...Rapidement, nous prenions conscience des immenses possibilités de notre groupe. Jeunes, pleins de dynamisme, de culture et d'horizons divers, nous voulions, modestement et sans bruit, créer sur ce sol de France un climat d'entente internationale. »

Un stagiaire venu d'Allemagne (3) écrit pour sa part : « ... Nous étions accourus des quatre coins du monde pour passer un Mois de l'Amitié, et nous avions bien espéré y trouver des amis. Mais qui aurait osé espérer ne rencontrer qu'une seule grande amitié, non seulement à travers notre groupe, mais à travers toutes les populations du pays ? Une amitié qui ne connut pas de différences personnelles, qui ne distingua ni peau, ni race, qui fut loin de tout ressentiment d'un proche passé... »

« Apprendre à se rapprocher et à se mieux connaître par de simples contacts, par des discussions parfois violentes au sujet des problèmes qui se posent à tous. »

 

(1) Maria-Luisa Zocconi.
(2) Ahmed Kamal, Master of Arts, aujourd'hui diplomate.
(3) Peter Zurn, Docteur en droit, diplômé des Sciences Politiques.

 

 

MÉMOIRE des Rencontres

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